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Blog du Master 2 Franco-Espagnol Pro Patrimoine, Gestion et Conservation du Patrimoine Territorial

Visite au Musée épiscopal de Vic

14 Décembre 2014, 21:59pm

Publié par masterpropatrimoinedeperpignan

Notre promotion au M.E.V
Notre promotion au M.E.V

L’après-midi du jeudi 11 décembre, nous nous sommes rendus au Musée épiscopal de Vic, dans le cadre de notre cours sur la Restauration et la Conservation des Biens culturels de M. Mathon.

Qu’est-ce que le musée épiscopal de Vic ? Le musée voit le jour en 1891, du temps de la Renaixença catalane à l’initiative d’évêques et d’intellectuels de la ville de Vic. En 1995, suite à la signature d’une convention entre l’évêché, la municipalité de Vic et la Generalitat de Catalunya, le bâtiment que nous connaissons aujourd’hui est construit. Le musée regorge de riches collections romanes et gothiques de Catalogne composées, notamment, d’orfèvrerie, de textile, de céramique de fer forgé et de verrerie. Du fait de l’intérêt porté à ces œuvres, la Generalitat de Catalunuya déclare le Musée de Vic d’intérêt public, en juillet 2001.

La visite

C’est la conservatrice Judit Verdaguer qui nous accueille pour nous présenter, dans un premier temps, l’exposition « Peindre il y a 1000 ans - Les couleurs du roman ». Elle est le fruit de recherches longues de 3 ans, effectuées par l’Université Autonome de Barcelone en collaboration avec le musée episcopal de Vic, du CETEC-Patrimoni (IQS-UAB) et du Centre de Restauration des Biens Culturels de Catalogne, dans le cadre du projet Magistri Cataloniae, Artistes, mécènes et public : La Catalogne et la Méditerranée (XIème –XVème siècles). Cette exposition présente les techniques picturales utilisées par les artistes médiévaux. Grâce à l’utilisation de nouvelles technologies et à l’étude approfondie des collections, les scientifiques ont mis au jour ces savoirs-faire.

Cette exposition débute par des panneaux iconographiques et textuels qui expliquent la formation et le mécénat de ces artistes médiévaux. Les études les plus récentes ont démontré que les peintres de la première moitié du 12ème siècle étaient formés dans les arts de la miniature, de la peinture sur toile et de la peinture murale dans les grands centres ecclésiastiques tels que les monastères ou les cathédrales. Les œuvres n’étaient pas signées car l’anonymat des artistes était souvent imposé par les autorités religieuses. A partir de la deuxième moitié du 12ème siècle, les peintres deviennent progressivement indépendants. Les commanditaires des peintures, qu’ils soient privés ou des institutionnels, bénéficiaient d’un prestige plus important que les artistes eux-mêmes. Aussi, si l’œuvre était inscrit du mot auctor, ce dernier désignait le commanditaire. Celui-ci fournissait au peintre tout ce dont il avait besoin pour la réalisation de l’œuvre et déterminait la richesse de celle-ci qui dépendait des pigments utilisés. Le fait que leur nom soit inscrit sur la peinture garantissait aux commanditaires, une reconnaissance éternelle qui leurs permettaient de bénéficier d’oraisons. On distinguait dans le cas d’une œuvre d’art, son auteur « intellectuel » (le lettré qui a imaginé l’œuvre et qui a cherché les textes qui l’accompagneront) de son auteur « matériel » (le peintre). Cependant, le peintre était parfois lettré (ex : le cas du baldaquin de Ribes).

Ensuite, le propos de l’exposition s’oriente vers les couleurs : « De la nature à l’œuvre » (« De la natura a l’obra ») puis vers les pigments naturels et artificiels. Les couleurs provenaient majoritairement du monde naturel et végétal puis du monde minéral (prisé pour l’oxyde de fer) et du monde animal. Les pigments minéraux utilisés dans les couleurs ocre comme le brun ou l’orange provenaient parfois de l’étranger mais étaient principalement produits localement. Afin de créer une couleur jaune vif, l’orpiment jaune était particulièrement apprécié. La malachite et l’azurite étaient utilisées pour les teintes vert et bleu. Dans la composition des couleurs bleues, les scientifiques ont retrouvé de l’arénite, minéral largement diffusé dans la Catalogne médiévale du fait des nombreux gisements et une composition végétale provenant d’un arbuste oriental. Le bleu lapis, provenant de la pierre semi-précieuse lapis-lazuli est moins présent dans les collections du fait du coût du minéral et de l’exportation. Au Moyen Age, le bleu était synonyme de richesse et de pouvoir. Le noir et le blanc sont majoritairement créés à partir de plomb et de charbon. Enfin, nous retenons que le rouge était obtenu à partir du kermès vermilio (cochenille), de la poussière de marbre, du mercure et de l’oxyde de fer. Les pigments artificiels utilisés durant la période médiévale sont les fruits des expériences alchimiques transmises en Europe occidentales par le biais des textes grecs, latins et arabes. Les artistes préparaient, eux-mêmes leurs pigments ou se les procuraient chez un apothicaire. Ainsi nous apprenons du moine Théophile (De diuersis artibus) que le pigment blanc de plomb pouvait être obtenu par une réaction chimique du vinaigre ou de l’urine, du fumier et de l’oxygène avec le carbonate de plomb.

Par la suite, la conservatrice nous présente un autre pan de l’exposition consacré aux apports médiévaux sur la composition des couleurs. De nombreux textes ont été écrits par des moines (ex : Théophile) ou des artistes comme Cennino Cennini (Traité de la peinture).

Le parcours continue avec le développement des chemins commerciaux vers les terres dites « exotiques ». C’est Marco Polo qui nous explique dans son « Livre des Merveilles du Monde » que les matériaux exotiques de l’Orient arrivaient en Occident par la Route de la Soie. Le lapis-lazuli provenait des mines d’Afghanistan et le bleu indigo était obtenu à partir de la plante originaire d’Inde Indigofera tinctoria. Aux XIIème et XIIIème siècles, Venise, Pise et Gênes détenaient le monopole du commerce des pigments, des teintures et des pierres précieuses provenant d’Orient. Plus tard, ce marché s’ouvre à d’autres villes méditerranéennes comme Marseille, Montpellier, Narbonne ou Barcelone.

Au travers de l’œuvre picturale de Santa Maria de Luça, Mme Verdaguer nous explique l’importance de l’or dans l’art religieux ainsi que les problèmes de conservation que ce matériau suscite. En effet, l’or (lorsqu’il n’a pas été réemployé à posteriori) n’est plus (ou pratiquement plus) visible à l’œil. Ce sont les avancées techniques en laboratoire qui permettent de déterminer la présence de cette couleur hautement symbolique. Connue notamment des Egyptiens et des Sumériens, la technique de la feuille d’or a voyagé en Méditerranée. Il semblerait qu’elle se soit répandue d’Est en Ouest par le biais des artistes byzantins. Du fait du coût élevé, la feuille d’or est remplacée par différentes techniques dont une imitation faite à partir de plaques de matériaux moins nobles recouvertes de résines naturelles colorants organiques et pigments. Des ouvrages du Haut Moyen Age dont De diuersis artibus du moine Théophile témoignent de ces diverses techniques.

En fin de parcours, la conservatrice nous a présenté un film dans la thématique « Rendre visible l’invisible ». Il nous fait part des différentes recherches menées sur les peintures romanes en Catalogne. Sont exposées les diverses techniques d’examen utilisées (photographie normale et rasante, photographie ultra-violet, reflectographie infrarouge, radiographie et scanner) et les techniques d’analyse des matériaux (de l’étude du tissu à celle de la polychromie).

Dans un second temps, M. Verdaguer nous a fait visiter les réserves du musée ouvertes au public. Nous avons y pu découvrir la richesse du patrimoine liturgique (mobilier, tableaux …) et les divers aménagements de stockage et de rayonnage permettant la bonne conservation des objets.

Ce que nous retenons :

  • Une muséographie moderne et dynamique. Ces aspects passent, notamment, par des jeux entre le thème de l’exposition sur les couleurs et l’art et la scénographie (ilots de diverses couleurs, tableaux faits de toiles sur châssis …).
  • Les réserves ouvertes au public

Nous remercions chaleureusement Judit Verdaguer ainsi que Jean-Bernard Mathon pour cette visite enrichissante.

Le Musée épiscopal de Vic organise des expositions, des conférences, des ateliers pour la famille et les enfants et des visites commentées, tout au long de l’année. Contact : Museum episcopal de Vic, Plaça Bisbe Oliba, 308500 Vic, Tél. 93 886 93 60 ou informacio@museuepiscopalvic.com.

Visite au Musée épiscopal de Vic
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